Le grand philosophe, académicien, historien des sciences,… Michel Serres a tiré sa révérence le samedi 1er juin dernier à l’âge de 88 ans. Ce “passeur” (comme il définissait lui-même le philosophe) est passé en nous embarquant avec lui dans sa Pensée et dans sa Grandeur généreuse.
Depuis, beaucoup de témoignages d’affection, d’admiration ou encore d’amitié naissent ici ou là pour honorer sa mémoire. Ces manifestations démontrent également à quel point ce grand monsieur et ses extraordinaires pensées furent essentielles pour nous tous, et ce, quelque soit notre génération.
Michel Serres
Un Homme …
Parce que Michel Serres avait cette merveilleuse faculté de s’adresser à tous et d’être compris de tous. Sa capacité à nous emporter dans ses réflexions pour venir nous chercher, avec simplicité, là où nous sommes pour nous faire grandir avec respect, authenticité et générosité sont incomparables. Et je parle volontairement au présent, car, grâce à ses écrits et ses enregistrements qui demeurent, bon nombre d’entre nous maintenant et pour des générations à venir, pourront profiter des leviers de lucidité que nous permettra d’actionner ce philosophe pédagogue, encore et encore, au fil du temps.
En accord avec son temps…
Toujours connecté, il n’a jamais perdu le fil de l’actualité en IRL mais aussi sur le web et les réseaux sociaux. Il a toujours voulu savoir, comprendre ce qui était en train de se passer.
Il avait fait des études de Philosophie, bien sûr, mais aussi des études scientifiques, des études de Physique, de Mathématiques. Et il lui manquait les études de Biologie jusqu’à ce que, il y a quelques années, il décide de suivre des études de Biologie car il voulait tout savoir et il voulait tout comprendre, et pour se faire, il avait besoin de toutes les sciences.
Cet homme fascinant et humble devient alors pour nous tous un véritable Maître à penser.
La qualité de l’homme au service de son engagement
Michel Serres était un homme qui avait foi en la science. C’était un grand homme débarrassé de son petit ego.
-“Il était “sans nombril” comme beaucoup de scientifiques” aime à le souligner son amie Sophie Bancquart.
Il était un auteur profondément “touche à tout” qui ne s’éloignait jamais pourtant des résultats scientifiques. Il possédait une curiosité insatiable sur le Monde et ce qui le compose.
Ses ouvrages restent des références en Histoire des Sciences ou encore en Philosophie des sciences et en Épistémologie.
Dans son dernier livre : “les morales espiègles” publié en 2019, il nous explique, entre autre, avec sa singularité espiègle et joyeuse qui le caractérise, qu’il était très inquiet par apport au regard actuel que nous portons sur les sciences et les scientifiques. Il était inquiet de la perte de confiance du quidam que nous sommes, envers les experts. Il était donc très malheureux de constater l’importance qu’on pris les “bobards” (comme il préférait appeler les “fake news”) sur le web et entre les humains. Il pensait sincèrement que “les bobards” sont dangereux et qu’il faut réhabiliter les experts.
Il suivait de très près ce qu’il se diffusait sur Twitter (“Le gazouill”) et était très attentif aux “bobards sur le gazouilli”, et cela témoigne une fois de plus, de sa jeunesse d’esprit et de pensée en accord avec son temps. (cf son livre “la petite poucette” écrit en 2012 qui attire notre attention sur notre utilisation des réseaux sociaux).
Dans cet ouvrage “les morales espiègles” (présenté dans cet extrait de l’émission “la grande librairie” – où Michel Serres nous parle de la morale sans jamais se vouloir moraliste – il nous confie que bien sûr il faut être espiègle, il faut être impertinent et bien sûr qu’il faut remettre en cause systématiquement ce que l’on entend, mais lorsque l’on est devant le “dur”, c’est-à-dire l’expérience, ce qui est prouvé par des études, et bien là, il faut s’arrêter de remettre en question et reconnaître. Il est nécessaire d’avoir cette humilité là nous dit Michel Serres. Et lorsque l’on est devant le “dur” il ne faut pas tricher nous suggérait-il, ni faire semblant.
Un esprit éveillé, un “chercheur de curiosités”
Sophie Bancquart, co-fondatrice des éditions “le Pommier” (co-fondée en 1998, avec Michel Serres car ils souhaitaient tous deux créer leur marque d’édition car ils ont inventé une manière de transmettre le savoir scientifique) est aussi à la tête de l’association “Sciences pour tous”.
-“Quand on lit Michel Serres, il faut le lire tout haut (avec son accent dans l’oreille). Lire les mots de Michel Serres tout haut parce qu’il a su écrire pour le très grand public, mais il a aussi su écrire des ouvrages plus difficiles. Et pour lire ces ouvrages plus difficiles, il suffit de les lire tout haut, et tout d’un coup, tout prend sa place. Il faut respirer en le lisant. Le lire avec de la joie et de l’accent (rires)”.
-“Il voulait tout comprendre nous confie encore sa comparse d’édition et amie Sophie Bancquard. Il nous disait que le philosophe doit faire 3 voyages, 3 tours du monde :
- Le premier, qui était le “vrai” voyage à la découverte des cultures et pour aller voir le Monde dans tous ses replis.
- Le deuxième qui était celui des humains, il a toujours voulu aller voir tous les humains. Il a côtoyé tous les humains possibles et inimaginables de tous les pays, de toutes les cultures et de tous les niveaux sociaux et de toutes les formations. Il aimait sincèrement tout le monde et s’intéressait à tout le monde.
- Et le troisième tout du monde qu Michel Serres nous proposait, était celui des Savoirs. Et cela était fondamental pour lui, puisque c’était quelqu’un qui a voulu faire des ponts entres les sciences humaines, entre tous les savoirs comme la littérature, la musique (la musique a beaucoup inspiré ses livres). C’était quelqu’un de “touche à tout” oui, mais dans le sens le plus merveilleux du terme, c’est-à-dire qu’il a TOUT approfondi, il a voulu aller partout. Il pensait que ce serait seulement en allant partout qu’il pourrait se faire une idée pour comprendre le monde en train de se faire”.
Son prochain livre, qui sera édité à titre posthume parlera de religions, et le titre n’est pas encore définit à ce jour, nous informe Sophie Bancquard pour terminer son témoignage.
Pour le plaisir d’être accompagné dans notre ouverture au Monde
Dans cet extrait de l’émission “Apostrophe” du 6 avril 1990, Michel Serres nous ouvre à l’interprétation symbolique, philosophique d’un tableau de GOYA avec lequel il fait l’ouverture de son livre du moment “Le contrat naturel”.
Et pour terminer cet article, je souhaite vous partager également, cette vidéo qui viendra témoigner une fois de plus, de la finesse d’analyse mêlée de lucidité à une pédagogie redoutablement accessible pour tout un chacun qui voudra bien se laisser le temps de prendre conscience, que possédait Michel Serres et qu’il nous partageait à de nombreuses occasions, par chance pour nous.
Pour conclure
Au delà de l’admiration personnelle et non dissimulée que je porte à ce Monsieur, il m’a paru intéressant d’écrire cet article pour nous inviter toutes et tous à nous immerger dans le bon sens. En effet, au delà de son érudition, Michel Serres est un homme de bon sens et de partage. Et vous conviendrez sans nul doute, que le bon sens est une affaire qui nous manque cruellement, de nos jours, dans notre quotidien individuel ET collectif.
Nous inspirer de ceux qui ont pris conscience des failles de notre Humanité et de ses axes d’amélioration, avant même que nous l’ayons fait nous-même, peut nous aider dans notre quotidien professionnel à nous aussi, décider du sens que l’on va donner à nos actes, à nos propos et à nos engagements…
Je vous remercie de votre lecture.
Je vous invite à avoir la “Humain Digital Attitude” en indiquant votre avis sur Michel Serres dans un commentaire en dessous de cet article, ou en le partageant ici ou là à vos contacts s’il vous paraît pertinent.
A bientôt.
Sources de cet article :
* INA : Emission “Apostrophe” du 6 avril 1990,
* Emission “La grande Librairie” sur France 5 du 4 avril 2019,
* Emission “la tête au carré” sur France Inter du 3 juin 2019,
* Différentes recherches effectuées ici et là.
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